Manager en 2021, ou mieux appréhender l’incertitude
Les clés pour manager en 2021, après le télétravail généralisé
En 2020, il est peu de dire que les transformations du monde du travail ont été aussi inédites que rapides.
Ces changements, nous les imaginions temporaires, éphémères. Or, ils s’inscrivent désormais dans la durée, alors que de nombreuses incertitudes se profilent pour l’année à venir, notamment concernant les bonnes pratiques pour manager en 2021. Quelle entreprise, aujourd’hui, pourrait avancer avec certitude une date de retour définitive et totale dans ses locaux ? Ces locaux seront-ils, enfin, sécurisés ? Le masque restera-t-il une obligation du quotidien ? Comment réinventer les interactions entre collaborateurs et atténuer les nouveaux silos de communication induits par la distance ? Il devient même légitime de se demander si l’expression de “travail de bureau” gardera du sens dans le modèle hybride, présentiel et distanciel, qui se profile.
Pour appréhender ces incertitudes au mieux, il est nécessaire de tirer les enseignements les plus fins de ces 9 derniers mois – et la période de fin d’année est propice à ce genre de bilan. Nous ne pouvons bien entendu nous contenter du constat : nous devons réviser en profondeur certains de nos postulats RH et passer d’un mode passif de gestion crise à une démarche active de changement. C’est la clé pour mieux engager ses collaborateurs et créer des organisations plus souveraines et tolérantes.
En quelques mots : accepter un changement de paradigme aussi bien dans la maîtrise des outils de management digitaux que dans le développement d’un management plus inclusif et plus modulaire. Cette montée en compétences nécessaire est d’ailleurs la priorité numéro un des deux-tiers des DRH interrogés par Gartner sur les priorités des Ressources Humaines pour 2021 !
Mieux appréhender la diversité des situations individuelles
Commençons par les constats. J’ai déjà analysé l’impact du télétravail sur l’organisation collective, en insistant notamment sur la nécessaire bienveillance managériale et l’importance de créer de nouveaux liens, autant que possible.
Je remarque aujourd’hui que le travail à distance soulève de nouveaux enjeux individuels, de nouveaux défis en matière de diversité et d’inégalités face au travail. L’inégalité face au numérique en premier lieu, qu’elle recouvre des accès au réseau parfois difficiles pour les uns ou de l’illectronisme pour d’autres. Si elle peut être vite résolue grâce à l’intervention d’un collègue, la prise en main difficile d’un outil se révèle parfois un véritable calvaire à distance : nous ne pouvons accepter une forme de “placardisation numérique” de ceux d’entre nous qui seraient les moins outillés.
Autre facteur de diversité : la situation personnelle ou familiale. Cela se matérialise par exemple par la possibilité, ou non, d’aménager un réel espace de travail à domicile. Il n’est pas acceptable qu’un collaborateur soit obligé de s’enfermer dans sa voiture pour travailler ! De la même manière, il faut tenir compte de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, de la gestion des enfants, qui dépend de chaque foyer…Enfin, pour bien appréhender la diversité des situations personnelles dans le travail à distance, nous ne pouvons faire l’impasse sur l’âge, le genre et le handicap. Le sentiment d’isolement, la perte d’habitudes et des repères ou encore la fatigue professionnelle née des longues sessions sur Teams se gère très différemment à 25 ans ou à 50 ans, et d’autant moins aisément si votre situation personnelle requiert des séances de pause ou de lire sur les lèvres par exemple…
Formaliser l’informel, pour mieux personnaliser le management
Ces problématiques, déjà aiguës et devenues encore plus centrales aujourd’hui, nous obligent à personnaliser toujours plus notre approche managériale.
Plus généralement, le contexte induit un bouleversement de nos habitudes, une formalisation de tout l’informel lié à l’environnement physique d’un bureau. C’est toute la mécanique discrète, parfois invisible, des interactions humaines, de la machine à café aux croisements dans un couloir qui doivent être quasiment institutionnalisées.
Les managers, par exemple, comblent désormais la perte de la remontée des signaux faibles donnés par les collaborateurs (humeur, langage non verbal…) qui faisaient leur quotidien. Il faut donc poser les bonnes questions, oser sortir du cadre du travail lors de réunions distancielles, oser la même légèreté, pour prévenir fatigue professionnelle et burnout.
Réinventer un leadership de la confiance
S’il faut réinventer ce leadership, et en cette fin d’année si particulière, je ne peux m’empêcher de penser à Jacinda Ardern. Inconnue il y a quelques mois, la Premier Ministre néo-zélandaise a été l’une des révélations politiques de l’année, elle qui a réussi à contenir avec talent la crise du Covid-19 dans son pays. Son approche du leadership est fondée sur l’honnêteté, sur une position à hauteur d’homme et de femme, sur le pragmatisme calme et sur des attentions personnalisées pour ses concitoyens les plus touchés : elle établit ainsi une relation de confiance qui rend bien plus facile la gestion de l’incertitude et permet de construire sur l’avenir. La voie qu’elle emprunte est une inspiration pour tous.
Redonner du sens pour mieux engager les collaborateurs
Au sortir d’une période qui a pu être traumatisante pour certains, il faudra être particulièrement vigilant sur l’engagement des collaborateurs – et ne pas se contenter d’une approche défensive stérile en agitant la peur d’un marché du travail saturé par la crise. Les neuf derniers mois, les collaborateurs ont pu avoir l’occasion de réfléchir à leurs valeurs, à leurs besoins.
Ils ont pu réévaluer ce qui était attrayant pour eux au travail. Pour les maintenir engagés, une organisation aura pour enjeu non seulement d’être créative sur les thèmes de l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle, mais également de proposer des projets qui donnent du sens au quotidien. Cela peut se traduire dans l’entreprise par des possibilités accrues de bénévolat ou d’accompagnement des autres au sens large.
Matérialiser la bienveillance dans les organisations
J’ai déjà eu l’occasion de rappeler à quel point l’écoute et l’empathie étaient nécessaires pour les managers. Mais cette nécessaire bienveillance doit trouver un écho encore plus large dans les organisations, pour dépasser les tentations individualistes, faire diminuer le stress de chacun et assurer le bien-être de tous.
Voilà pourquoi nous lançons chez Sage le programme “Bienveillance”.
Nous proposons à des collaborateurs de devenir “relayeurs” : sur la base du volontariat et du bénévolat, ces “relayeurs” offrent à leurs collègues leur écoute et leur regard attentif, avec un véritable engagement de confidentialité. Si l’isolement, les pressions personnelles ou professionnelles ou encore le poids du télétravail se font trop aigus, les salariés peuvent ainsi confier leurs difficultés dans un cadre sécurisé. Outre une oreille bienveillante, le relayeur peut ensuite aiguiller son collègue vers la personne ou l’outil le mieux adapté (psychologue, médecine du travail, représentant du personnel…) pour surmonter cette mauvaise passe. Ainsi, le “relayeur” aide son collègue à mieux formuler son problème, puis à trouver les moyens de le résoudre.
Ce cadre innovant, qui a fait ses preuves sous des formes proches dans d’autres organisations – je pense notamment aux “Bienveilleurs” de Bouygues – nous permet de proposer un chemin pour sortir collectivement plus forts des épreuves inédites que nous avons traversées en 2020. Nous créons ainsi de nouvelles bases de la confiance pour faire de 2021 l’année du rebond.