La Tunisie renforce son système de facturation électronique
Un nouveau chapitre est en train de s’écrire en matière de facturation électronique en Tunisie.
Un nouveau chapitre est en train de s’écrire en matière de facturation électronique en Tunisie. En imposant des sanctions dans ce domaine à partir du 1er juillet, les pouvoirs publics font coup double : renforcer le dispositif et son cadre juridique, et accélérer la transition numérique de la fiscalité du pays entamée en 2016.
« Dans le cadre de la mise en œuvre progressive du régime juridique de facturation électronique, et afin d’inciter les assujettis à ce régime à se conformer à ses dispositions, de nouvelles sanctions pénales fiscales ont été introduites pour le régime précité conformément aux dispositions de l’article 71 de la loi n°48 de 2024, datée du 9 décembre 2024, relative à la loi de finances ». Dans l’histoire de la production législative tunisienne, ces quelques mots ressemblent à bien d’autres rédactions de textes législatifs qui les ont précédés, et très certainement, à tous ceux qui vont suivre. Mais dans l’histoire de la fiscalité du pays, ce petit paragraphe fera date.
En vérité, ce sont plus que quelques mots : sept pages et 2 autres d’annexes, en date du 19 juin 2025, rassemblées dans un mémorandum dénommé « note commune n°10/2025 ». Son objectif : expliciter les dispositions du chapitre 71 de la loi de finance 2025 portant sur le « renforcement de la conformité aux obligations relatives au régime de facturation électronique », dont la principale nouveauté est l’instauration de sanctions en cas de non-respect du système de facturation électronique. Selon la note explicative, deux types d’infractions seront en effet sanctionnés d’amendes à partir du 1er juillet 2025 : toute émission de facture papier là où la facturation électronique est obligatoire, et le transport de marchandises non accompagnées de copies papier des factures électroniques. Dans le cas de la première, une amende de 100 à 500 dinars/facture sera exigée pour toute émission de facture papier à la place d’une facture électronique, plafonnée toutefois à 50 000 dinars. En ce qui concerne la seconde infraction, tout transport sans justificatif donnera lieu à une amende fixée à 20% de la valeur des marchandises transportées, avec une pénalité plancher de 500 dinars. Une pénalité doublée en cas de récidive.
Par ailleurs, les amendes appliquées auparavant aux factures papier qui ne satisfont pas aux mentions légales obligatoires, à savoir 250 à 10 000 dinars tunisiens, sont désormais applicables également aux factures électroniques (là aussi doublées en cas de récidive). La note commune n°10 le rappelle en préambule : « Les factures électroniques doivent contenir les mêmes mentions obligatoires que les factures papier et doivent comporter la signature électronique de l’émetteur de la facture (…), ainsi qu’une référence unique fournie par l’entité dans le système automatisé de traitement des factures électroniques. » Et ce n’est pas le seul rappel significatif.
Un cadre juridique et technique en évolution constante
La note revient par exemple sur les organisations, entreprises et opérateurs concernés pour l’heure par l’obligation de facturation électronique. D’abord, les opérations B2G reliant fournisseurs à l’administration, aux collectivités et aux entreprises et établissements publics. Ensuite, les grandes entreprises relevant de la Direction des Grandes Entreprises (DGE). Puis, les transactions B2B dans les secteurs pharmaceutique et des hydrocarbures, exception faite ici des détaillants (ventes au détail). La note explicative rappelle surtout que si la loi de finance 2025 apporte des ajouts pour renforcer l’application du dispositif, la dynamique est enclenchée depuis quelques années déjà.
Il faut remonter, en effet, à 2016, et à la promulgation de la loi de finance 2016, pour voir la facturation électronique faire son entrée dans le cadre législatif, et notamment fiscal du pays, en autorisant les assujettis à la TVA d’émettre des factures électroniques. Ces dernières doivent ainsi comporter les mêmes mentions légales que les factures papier, la signature électronique de l’émetteur, un identifiant unique, un cachet électronique visible, et la référence – signature électronique – de l’organisme autorisé.
Le 15 août de la même année, l’arrêté gouvernemental n°1066 est venu en fixer les modalités d’application. En posant un cadre juridique à la facture électronique en Tunisie, le législateur confiait la gestion du système de traitement à la société « Tunisie Tradenet » (TTN). Dénommée « organisme autorisé », jusque-là guichet unique électronique du commerce extérieur et du transport en Tunisie, la société devient la seule plateforme numérique habilitée par l’État pour émettre, valider et archiver les factures électroniques. Pour ce faire, elle lance « El Fatoora », son « portail de la facturation électronique », et fait le choix – technique – du format TEIF (Tunisian Electronic Invoice Format) en XML pour l’élaboration des factures électroniques. Appelés à s’abonner sur la plateforme, les émetteurs de factures électroniques devaient également présenter un certificat électronique qualifié, dont la délivrance a été confiée à l’ANCE (Agence nationale de certification électronique).
Au fur et à mesure de l’implémentation et du déploiement de la plateforme El Fatoora, quelques grandes entreprises ainsi que certaines transactions B2G ont testé le nouveau dispositif, dont les retombées, et surtout l’impact en matière de transparence et de fiabilité, donneront de l’allant au chantier et des idées d’une généralisation du dispositif. Les nouvelles dispositions introduites cette année dans la loi de finances en sont certainement les prémices.