Loi 69-21 sur les délais de paiements. Voici que vous devez savoir sur le nouveau rôle du commissaire aux comptes
La loi 69.21 a instauré une nouvelle mission pour les commissaires aux comptes : émettre un visa de concordance pour accompagner les déclarations trimestrielles des délais de paiement des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 50 millions de dirhams.
La loi 69.21 a instauré une nouvelle mission pour les commissaires aux comptes : émettre un visa de concordance pour accompagner les déclarations trimestrielles des délais de paiement des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 50 millions de dirhams. Une disposition qui a donné lieu à des débats, et parfois des inquiétudes, auxquels a mis fin l’Ordre des experts-comptables qui a publié une directive encadrant les diligences exigées par la nouvelle loi sur les délais de paiement aux commissaires aux comptes. Explications.
D’aucuns retiennent de la loi 69.21 sur les délais de paiements, entrée en vigueur le 1er juillet 2023, son caractère dissuasif pour les mauvais payeurs, en instaurant toute une batterie de sanctions en cas de retard de paiement. D’autres se sont intéressés plutôt à la clarification des délais de paiement, en sanctuarisant le délai de 60 jours, avec une flexibilité, conditionnée et exceptionnelle, respectivement jusqu’à 120 et 180 jours. Mais dans les semaines qui ont suivi la promulgation de la nouvelle loi, c’est un tout autre sujet qui a monopolisé les discussions d’une partie de l’écosystème économique national, au point de créer un débat : quel rôle est dévolu au commissaire aux comptes en vertu de la loi 69.21 ?
Tout commence par cette disposition incluse dans la nouvelle loi sur les délais de paiement, précisément sur le volet relatif à l’obligation de déclaration trimestrielle à effectuer par les entreprises, qui stipule que cette dernière doit ainsi comporter « un visa sur la concordance des informations figurant dans l’état joint à la déclaration trimestrielle, avec les factures non payées dans les délais prévus à l’article 2.78 de la loi 69.21 ainsi que les documents justificatifs y afférents ». Un visa qui doit être formulé par un tiers de confiance, en l’occurrence un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, précise le texte.
Autrement dit, en faisant état de toutes les factures qui dépassent les délais de paiement, la déclaration électronique établie trimestriellement par une entreprise doit en outre être visée, c’est-à-dire accompagnée d’une attestation (visa) délivrée soit par un expert-comptable ou un comptable agréé si le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions de dirhams, soit par un commissaire aux comptes si le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée est supérieur ou égal à 50 millions de dirhams.
Un rôle d’auditeur légal
Très présent dans la vie des entreprises, bien qu’externe, le commissaire aux comptes a un rôle important d’auditeur légal. En s’assurant de la conformité des données comptables et financières présentées par une entreprise avec les règles et les normes en vigueur, il est alors en mesure de certifier les comptes de cette dernière pour l’administration fiscale et l’État. Il a donc une mission d’intérêt général d’audit légal et de certification. Alors, à la promulgation de la loi 69.21 sur les délais de paiement, beaucoup se sont posés la question : cette nouvelle charge de visa de la déclaration des délais de paiements constitue-t-elle une nouvelle forme d’audit externe ? Que couvre la concordance des données : le commissaire aux comptes doit-il se contenter de vérifier les données dont il dispose, ou doit-il aussi chercher s’il y a d’autres factures impayées ? Puis, vu la régularité trimestrielle de la déclaration et les sanctions en cas de non-déclaration ou de retard de déclaration, quelle marge de manœuvre pour le commissaire aux comptes qui doit disposer à temps de toutes les données à vérifier ? … Bref, dans les débats qui ont suivi durant les semaines après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, l’essentiel des interrogations, et parfois des inquiétudes, tournait autour du rôle et des conditions d’intervention du commissaire aux comptes, érigé ainsi, aux côtés de l’expert-comptable, au rang de tiers de confiance dans les déclarations trimestrielles.
Levée de toutes les zones d’ombres
À trois semaines de la date butoir pour les premières déclarations trimestrielles, l’Ordre des experts-comptables (OEC) s’est fendu d’une publication pour mettre fin aux débats et lever toutes les zones d’ombre nées depuis la promulgation de la loi. Le 6 octobre 2023, l’OEC publiait ainsi une directive pour « définir les principes fondamentaux et leurs modalités d’application relatifs au rôle, aux conditions d’intervention et aux diligences du commissaire aux comptes à qui il est demandé, conformément aux dispositions de la Loi 69.21, d’émettre un visa sur la concordance des informations figurant dans l’état joint à la déclaration trimestrielle, avec les factures non payées dans les délais prévus à l’article 2.78 de la loi 69.21 ainsi que les documents justificatifs y afférents ». Tel est le titre de la missive de l’Ordre des experts-comptables qui, en 19 points, a brossé les contours du périmètre de l’intervention du commissaire aux comptes auprès des entreprises dans leurs déclarations trimestrielles.
La première grande zone d’ombre dissipée par la directive intervient dans les points 13 et 14. En rappelant que le rôle du commissaire aux comptes dans le cadre de la loi 69.21 est « vérifier la concordance des informations figurant dans l’état joint à la déclaration trimestrielle des délais de paiement, avec les factures non payées dans les délais prévus à l’article 2.78 de la loi 69.21 et les justificatifs correspondants », la directive en tire la conclusion suivante, mettant ainsi fin aux spéculations : « Par conséquent, il n’appartient pas au commissaire aux comptes de rechercher l’existence d’éventuelles autres factures non payées dans les délais prévus à l’article 2.78 de la loi 69.21 ». Ce n’est donc pas une mission d’audit qui est demandée aux commissaires aux comptes, mais de simples vérifications de la conformité des données déclarées avec celles des factures non payées, en l’occurrence, et dans le détail : l’identifiant fiscal du fournisseur et l’ICE, le numéro de registre de commerce du fournisseur, l’adresse du Siège social, domicile fiscal ou principal établissement, le numéro de la facture, la date d’émission de la facture, la nature de la marchandise, la date de livraison, la date de constatation, la date prévue de paiement, la date convenue de paiement de la facture, le délai prévu pour le paiement selon le délai fixé par le secteur, la date prévue pour le paiement de la facture selon le délai fixé, le montant de la facture, le montant non encore payé de la facture, le montant payé partiellement ou totalement hors délai, la date du paiement total ou partiel hors délai, le montant objet du litige soumis à la justice, la date de recours judiciaire, le montant dû après jugement, la date de jugement définitif, le mode de paiement et, enfin, les références de paiement.
En éclaircissant ce point central, la directive de l’OEC apporte d’autres clarifications nécessaires au bon déroulement de la mission du commissaire aux comptes. D’abord, l’intervention du commissaire aux comptes dans le visa de la déclaration trimestrielle est une « mission connexe » qui « doit faire l’objet d’une lettre de mission séparée précisant l’objectif de la mission, les responsabilités respectives et les modalités d’intervention ». À cet effet, l’OEC a accompagné sa directive d’un modèle de lettre de mission en annexe sur lequel les entreprises pourraient se baser pour faire appel à leur commissaire aux comptes.
Un cadre d’intervention déterminé
Autre inquiétude dissipée, le temps dévolu aux commissaires aux comptes pour mener à bien leur mission. En vertu de la loi 69.21, leur intervention est exigée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions de dirhams. Autrement dit, des grandes entreprises qui génèrent beaucoup de factures auprès d’un très grand nombre de fournisseurs et de prestataires et qui ont, en plus des délais de dépôt de déclaration très serrés à respecter. C’est pour cette raison que la directive a pris soin d’assurer aux commissaires aux comptes des délais de 15 jours minimums pour qu’ils soient en mesure de mener leurs diligences. Des délais à préciser dans la lettre de mission en accord avec les entreprises auprès desquelles ils ont vocation à intervenir. « Le commissaire aux comptes doit, à ce titre, et en fonction de la taille et des spécificités de l’entité et compte tenu de la date limite de dépôt de la déclaration, convenir avec les dirigeants de l’entité de délais appropriés de remise de la déclaration et des pièces justificatives correspondantes », précise la directive.
Une fois ce cadre d’intervention déterminé, le commissaire aux comptes est invité à effectuer toutes les diligences dont il aura besoin (entretien avec la direction, ses propres connaissances, remontées d’information…, etc.) pour établir ses conclusions. Et pour mener ses travaux, le commissaire aux comptes doit procéder par sondages, sur la base d’un échantillon représentatif. La directive souligne que cet échantillon pourrait varier en fonction de la taille et les spécificités de l’entité concernée, mais également « du volume des factures non payées dans les délais, de la connaissance que le commissaire aux comptes a de l’environnement de l’entité, de son système d’information et de son dispositif de contrôle interne ». Ainsi, dans le cas d’un trop grand nombre de factures déclarées non payées dans les délais, le commissaire aux comptes sera amené à constituer un échantillon combinant à la fois une approche statistique (basée sur une sélection des éléments clés et un échantillon aléatoire) et une approche basée sur le jugement professionnel (en fonction donc de la connaissance qu’il a de l’environnement de l’entité, de son système d’information, etc.).
Dernier point important de la directive : le commissaire aux comptes doit rassembler ses travaux dans un dossier qui doit également comporter les sondages effectués et les pièces justificatives de la ou les discordances relevées. Et une fois ses travaux achevés, il peut émettre, sur la base de ses conclusions, son « visa de concordance ». Trois cas de figure sont retenus par la directive : un visa sans observations, des observations motivant la/les discordance(s) relevée(s) et, enfin, avec l’impossibilité de conclure sur la concordance lorsque l’étendue des observations le justifie.