Délais de paiement : quel bilan de la Loi, à ce jour ?
Un an après son entrée en vigueur, le premier bilan de la Loi 69-21, relative aux délais de paiements, se veut encourageant. Ventilées par secteur d’activité, taille, région, statut public ou privé, les données récoltées durant l’année 2023 dressent un panorama global du comportement des entreprises concernées sur les deux premiers trimestres d’application du nouveau dispositif. Les détails.
Un an après son entrée en vigueur, le premier bilan de la Loi 69-21, relative aux délais de paiements, se veut encourageant. Ventilées par secteur d’activité, taille, région, statut public ou privé, les données récoltées durant l’année 2023 dressent un panorama global du comportement des entreprises concernées sur les deux premiers trimestres d’application du nouveau dispositif. Les détails.
C’est un document dont la publication était très attendue : le rapport 2024 de l’Observatoire des Délais de Paiements. Quatrième édition publiée par l’ODP depuis sa création, c’est surtout le premier à dresser le bilan de l’entrée en vigueur de la Loi 69-21 relative aux délais de paiement. Une loi, souvenons-nous, qui avait créé tout un engouement dans les milieux économiques au Maroc à sa promulgation en juin 2023. En introduisant un ensemble de dispositions pour encadrer les délais de paiements et sanctionner les pratiques abusives en la matière, la Loi 69-21 promettait alors un cadre plus sain pour les transactions commerciales inter-entreprises et une amélioration substantielle de la santé financière des petites entreprises.
Un an plus tard, le rapport publié fin juillet 2024 par l’ODP se veut encourageant. Rappelant dès son préambule les actions « mises en œuvre pour soutenir les entreprises, en particulier les PME et les TPE, face aux difficultés de trésorerie », en plus des réformes « profondes » initiées « pour améliorer l’accompagnement des entreprises, faciliter leur accès au financement et dynamiser l’entrepreneuriat », l’Observatoire affirme que « ces actions ont commencé à porter leurs fruits, avec des progrès satisfaisants et des effets positifs pour réduire les délais de paiements ». Il se base pour cela sur les chiffres récoltés durant l’année 2023 dont l’analyse fait ressortir « une réduction significative des délais de paiements ».
Une stabilité dans le secteur public
Pour arriver à ces conclusions satisfaisantes, l’Observatoire a suivi l’évolution des délais de paiements en 2023, à la fois pour les secteurs publics et privés. Dans le secteur public, le rapport relève que « la tendance positive observée en 2022 se poursuit, avec des comportements de paiement conformes et des perspectives prometteuses ». D’abord, en matière de commande publique (67,73 milliards de dirhams en 2023) qui marque une « stabilité », avec un délai de paiements moyen qui est passé de 18,3 jours en 2022 à 17,5 jours en 2023, État et Collectivités territoriales confondus. Pour l’État, le délai de paiement est en nette amélioration en 2023, soit 17,6 jours contre 19,3 en 2022. Dans le cas des Collectivités locales, les délais de paiements se sont plutôt rallongés : 17,3 jours en 2023, contre 16,5 jours en 2022.
La « stabilité » est également de mise pour les Établissements et entreprises publics. S’inscrivant dans une forte tendance baissière depuis 2018 (55,9 jours cette année-là pour 33,9 jours en 2022), les EEP enregistrent en 2023 un délai de paiement en légère hausse, à 35,5 jours à fin décembre. On note toutefois une amélioration continue du nombre d’EEP réalisant des délais de paiement moyens inférieurs à 60 jours, ce qui est une évolution notable des pratiques dans ce secteur.
Surreprésentation du privé et de l’axe Tanger-El Jadida
Outre l’évolution des délais de paiements dans le public et le privé, le rapport de l’ODP a établi le premier bilan du déploiement du mécanisme des sanctions introduites par la Loi 69-21. C’est dans ce dernier dispositif géré par la Direction générale des impôts (DGI) que l’effet de la loi sur les pratiques commerciales et le climat des affaires ressort de manière probante.
Pour rappel, le nouveau dispositif mis en place il y a un an a fixé deux délais de paiement : 60 jours si le délai n’est pas convenu entre les parties, et 120 jours s’il l’est. À titre exceptionnel, et sous certaines conditions, un délai de 180 jours peut être envisagé. Le dispositif a été complété par une obligation de déclaration trimestrielle des délais de paiement à la DGI. Alors, en cas de non respect de ces dispositions réglementaires, la Loi 69-21 a prévu deux types de sanctions, en fonction de la nature du défaut constaté (non-respect des délais de paiements, retard ou non dépôt de la déclaration trimestrielle) et de la taille de l’entreprise concernée en termes de chiffres d’affaires.
Pour sa première phase d’entrée en vigueur, le dispositif de sanctions pécuniaires s’est d’abord appliqué, depuis le 1er juillet 2023, aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions de dirhams. Elles ont été ainsi 4.769 grandes entreprises à déposer leurs déclarations sur la période couvrant les 3e et 4e trimestre de l’année 2023. Sans grande surprise, plus de la moitié d’entre elles (56,3%) sont localisées dans la région de Casablanca-Settat. Ce taux passe à 79,7% si l’on considère l’axe Tanger-El Jadida. Tout aussi convenu, les entreprises déclarantes relèvent à une majorité écrasante (98,9%) du secteur privé. Dans le détail, on retrouve en haut du classement les opérateurs économiques actifs dans le commerce (38,2%), suivis par les entreprises du secteur de l’industrie manufacturière (20,3%) et celles opérant dans la construction (13,9%). Plus de 70% de la population déclarante réalise un chiffre d’affaires inférieur à 200 millions de dirhams et elles ne sont qu’un peu plus de 11% à présenter un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions de dirhams.
Plus de la moitié des factures dans les délais
Alors, indépendamment de leur secteur ou lieu d’activité, de leur taille ou statut public ou privé, comment toute cette population déclarante s’est-elle comportée en matière de délais de paiements ? Dans l’ensemble, la DGI constate « une très forte conformité en matière de déclaration ». Sur les 4.769 entreprises concernées, 47,7% ont déclaré des factures dont le délai est dépassé. 2.277 entreprises donc, pour un montant total de factures hors-délai de 15,68 milliards de dirhams. 90% de ce montant est concentré dans l’axe Rabat-Casablanca (47% à Casablanca-Settat et 43,9% à Rabat-Salé-Kénitra) et 34,9% relève des entreprises actives dans le secteur de la production et de la distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné, suivies à distance par les industries extractives (19,5%) et l’industrie manufacturière (12,4%).
Pour compléter le tableau, 80% du montant des factures hors-délai est du fait des très grandes entreprises, celles, donc, qui réalisent à chiffre d’affaires supérieur à 500 millions de dirhams. On notera aussi que les entreprises publiques, alors qu’elles ne sont que 42 sur les 2.277 entreprises déclarantes hors-délai, représentent à elles seules plus de la moitié (57,6%) du montant total des factures ayant dépassé le délai, soit 9,036 milliards de dirhams. On retient, enfin, que le montant total des amendes payées sur les deux derniers trimestres 2023 pour cette première population concernée ressort à près de 482 millions de dirhams.