TVA et solidarité fiscale. Responsables financiers en première ligne
Ils sont, à leurs dépens, les stars incontestés de la réforme de la TVA dans sa première année de déploiement dans la loi de finances 2024 : les responsables et directeurs financiers et administratifs des entreprises.
À l’adoption de la loi de finances 2024, la généralisation de l’exonération de TVA aux produits de base dits « de large consommation » a été largement saluée, au même titre d’ailleurs que l’intégration du principe de neutralité fiscale ou encore toutes les dispositions d’harmonisation et de clarification des règles et régimes fiscaux. Alors, l’alignement à la hausse de la TVA applicable à certains produits ou services, comme l’énergie électrique, le transport maritime ou le sucre raffiné, a certes suscité quelques interrogations, et parfois même des inquiétudes du fait de leur possible impact sur la hausse des prix, mais pas autant que le nouveau principe de solidarité fiscale.
Il a suffi, en effet, d’une seule nouvelle mesure pour créer du remous autour d’un ensemble de dispositions et de mécanismes de réforme de la TVA largement consensuels auprès autant des experts et opérateurs concernés que du grand public. En consacrant le principe de solidarité des responsables de la gestion financière ou administrative des entreprises en cas d’infraction aux obligations de déclarations et/ou paiement en matière de TVA, les artisans de la LF 2024 ont d’abord créé de la surprise qui s’est rapidement transformée en débats et interrogations de la part des spécialistes de la fiscalité, des cabinets de conseil, des experts économiques, et surtout au sein des entreprises et des opérateurs économiques, les premiers concernés, où les responsables financiers ont certainement dû être pris de cours devant pareil responsabilité légale.
Un enjeu trop majeur
Le principe est le suivant : en cas de délivrance ou la production de factures fictives ou d’écritures comptables fausses ou fictives, de vente sans factures de manière répétitive ou enfin, de soustraction ou de destruction de pièces comptables légalement exigibles, le responsable financier ou administratif de l’entreprise, et même tout bénéficiaire effectif du montant de la TVA, peut être considéré « solidairement redevable » de la TVA due, en plus des pénalités et des majorations. Il l’est donc au même titre que l’entreprise au sein de laquelle il opère et de son ou ses principaux dirigeants.
De là, est née une série de questions : Le responsable financier, mandataire sociale de l’entreprise concernée, peut-il être considéré comme un assujetti ? Qui sera sanctionné dans le cas d’une multitude de mandataires sociaux dans la même société ? Qu’en est-il du code de recouvrement des créances publiques qui a, précisément, déjà prévu des mesures pour recouvrer les impôts dus auprès des dirigeants d’entreprise ? Sanctionner, certes, mais qu’en est-il du recouvrement des taxes non versées ? Autant de questions et d’autres qui n’ont pas empêché les promoteurs du PLF de maintenir cette disposition dans la version finale de la LF 2024, estimant que « le renforcement des moyens de lutte contre les pratiques visant à éluder le paiement de la TVA » était un enjeu trop majeur pour ne pas figurer parmi les premières mesures de la réforme de la TVA, et plus globalement de la fiscalité.
Un pilier de la réforme
Cette nouvelle disposition est considérée comme un pilier de cette réforme de la TVA pour lutter contre les fraudes fiscales. C’est pour cette raison que malgré les discussions agitées qui ont suivi la publication du PLF 2024, le législateur l’a maintenue dans le texte définitif, concédant toutefois quelques amendements pour apporter plus de clarté. Ainsi, si, par exemple, un responsable financier d’une entreprise est tenu solidairement redevable du paiement des arriérés de TVA de l’entreprise qu’il représente, cette solidarité ne devient effective que si la fraude ou la mauvaise foi avérée est actée par la justice. De manière générale, cette solidarité fiscale des responsables financiers n’est pas systématique. Dans le cas toujours d’une TVA due par une entreprise, si cette dernière procède au paiement de ses arriérés et régularise ainsi sa situation, l’administration fiscale n’a plus de raison de faire jouer le principe de solidarité fiscale auprès des responsables financiers. En tout cas, en introduisant pareille mesure forte, le législateur fait passer un message important, montrant l’étendue de l’arsenal législatif qu’il serait en mesure de mobiliser pour lutter contre les fraudes fiscales et garantir les recettes de l’État.