Loi de Finances 2024. Ce qui change avec la TVA
Exonération, convergence, réduction, harmonisation… Les nouvelles mesures spécifiques à la TVA ont été conçues et mises en place de manière à consolider la résilience sociale des marocains, renforcer la compétitivité des entreprises et soutenir la croissance économique.
Exonération, convergence, réduction, harmonisation… Les nouvelles mesures spécifiques à la TVA ont été conçues et mises en place de manière à consolider la résilience sociale des marocains, renforcer la compétitivité des entreprises et soutenir la croissance économique. Le détail.
En 2024, la loi de finances a intégré les premières mesures de la tant attendue réforme de la TVA, qui devrait être déployée en trois phases, cette année donc, puis en 2025 et 2026. Cette année, l’ensemble des nouvelles mesures en la matière se sont évertuées à simplifier, faire converger et clarifier les mécanismes et règles dans le domaine de la TVA. Dans l’ensemble, toutes les mesures introduites peuvent être synthétisées en quatre grands axes majeurs : exonérations, convergence, rationalisation et harmonisation.
Le premier axe de réforme de la taxe sur la valeur ajoutée établit ainsi de nouvelles exonérations de la TVA sur les produits de base de large consommation, comme les fournitures scolaires ou l’eau destinée à l’usage domestique. Le second axe fait converger la TVA en alignant progressivement les taux pour certains produits et services, comme l’eau, les transports ou l’énergie électrique. Le troisième intègre le secteur informel et rationalise quelques incitations fiscales, en élargissant par exemple la taxation au commerce numérique dont les services sont fournis à distance. Et, enfin, le quatrième, et dernier axe, apporte de nouvelles mesures d’harmonisation et de clarification des règles de l’assiette fiscale.
Coup de pouce fiscal pour les produits de grande consommation
C’est une des mesures phares relatives à la réforme de la TVA dans la Loi de finances 2024 : la généralisation de l’exonération de la TVA à certains produits de base de large consommation, et ce à partir du 1er janvier 2024. À ce titre, deux types d’exonérations sont prévues : des exonérations avec droit à déduction et d’autres sans droit de déduction.
Les exonérations avec droit de déduction concernent deux produits et services : les produits pharmaceutiques et l’eau destinée à l’usage domestique. Les exonérations sans droit de déduction s’appliqueront, pour leur part, à trois produits : les fournitures scolaires et leurs composites (7% avant 1er janvier 2024), le beurre dérivé du lait d’origine animale (14% pour le beurre autre que celui de fabrication artisanale et 20% pour les graisses alimentaires, margarines et saindoux, avant le 1er janvier 2024) et, enfin, les conserves de sardines, le lait en poudre et le savon de ménage (tous taxés à 7% avant 1er janvier 2024).
Alignement de la TVA, à la hausse et à la baisse
Dans l’objectif d’assurer une neutralité fiscale pour réduire les situations de butoir et soutenir ainsi la compétitivité des entreprises, une série de mesures ont été mises en place suivant une logique d’alignement progressif des taux de TVA. Certains taux sont alignés à la hausse – c’est le cas de l’énergie électrique et la location de compteur électrique, les transports aérien et maritime domestiques de voyageurs et de marchandises, l’eau destinée à un usage autre que domestique, le sucre raffiné et la voiture économique. D’autres produits seront alignés plutôt à la baisse, en l’occurrence les énergies renouvelables, les transports urbain et routier de voyageurs et de marchandises et les prestations de services rendues aux entreprises d’assurances par les démarcheurs ou courtiers d’assurances. À la hausse comme à la baisse, l’objectif cible de toutes les mesures d’alignement introduites dans la Loi de Finances 2024 est d’apporter plus simplification en aboutissant à terme à seulement trois taux de TVA, au lieu de cinq niveaux auparavant, à savoir 0%, 10% et 20%. Dixit donc les taux de TVA intermédiaires de 7% et 14%.
Au chapitre des taux de TVA qui seront alignés à la hausse, il y a l’énergie électrique et la location de compteur électrique. L’énergie électrique, qui a déjà vu passer sa TVA de 14% à 16% au 1er janvier de cette année, devrait encore augmenter à 18% le 1er janvier 2025, avant d’atteindre le taux cible de 20% à compter du 1er janvier 2026. Il est important de rappeler ici que, selon une note circulaire de la DGI, cette hausse ne devrait avoir aucun impact, en l’occurrence à la hausse, sur les tarifs de vente de l’énergie électrique au Maroc. En ce qui concerne la location du compteur électrique, la TVA est passée du taux réduit de 7% à 11% au 1er janvier 2024, elle sera de 15% à compter du 1er janvier 2025 et 20% le 1er janvier 2026. À hauteur de 14%, les opérations de transport aérien et maritime domestiques de voyageurs et de marchandises sont, elles, taxées depuis le 1er janvier dernier à 16%, passant ensuite à 18% le 1er janvier 2025 et 20% l’année suivante. Soumise au taux réduit de 7%, l’eau destinée à usage autre que domestique et la voiture économique (y compris les produits entrant dans sa composition et les prestations de montage) se voient, elles, appliquer, depuis le 1er janvier de cette année, un taux de 10%. Il en va de même du sucre raffiné dont la TVA, de 8% depuis le 1er janvier 2024, puis 9% en 2025, atteindra 10% au 1er janvier 2026.
Les réductions de TVA concernent, pour leur part, l’énergie renouvelable, le transport urbain et routier et les prestations rendues aux assurances. Pour encourager le développement des énergies vertes, conformément à la stratégie nationale bas carbone, la TVA applicable à l’énergie électrique produite à partir de sources renouvelables baissera ainsi progressivement : de 14% à 12% le 1er janvier dernier et 10%, le taux cible, le 1er janvier 2025. Les opérations de transport urbain, comme les autobus, les taxis, le tramway, et routier, soumises avant le 1er janvier 2024 à une TVA de 14%, connaîtront également une réduction progressive de leur niveau de taxation : 13% en 2024, 12% le 1er janvier 2025 et 10% à la même date une année plus tard. Il en va de même du taux de TVA des prestations rendues par les courtiers aux entreprises d’assurances, qui baissera également mais en deux temps : une première fois le 1er janvier 2024, de 14% à 12%, et une seconde qui interviendra un an plus tard, pour atteindre le taux de 10%.
Intégrer le secteur informel et rationaliser les incitations fiscales
Dans sa perspective toujours de neutralité fiscale, la Loi Finances 2024 a tenu compte des opérations d’approvisionnement effectuées par certaines entreprises, et plus globalement les assujettis à la TVA, auprès de fournisseurs qui, eux, se situent hors du champ d’application de la TVA, ou qui sont du moins exonérés sans droit de déduction. Dans ce cas, un nouveau régime optionnel d’auto-liquidation de la TVA a été instauré, de manière à renforcer l’intégration des activités informelles dans le giron de l’économie formelle.
En matière de rationalisation des incitations fiscales, toute une batterie de mesures a été mise place, en premier lieu l’institution d’un régime de retenue à la source en matière de TVA, pour à la fois les opérations effectuées par les fournisseurs de biens d’équipement et de travaux assujettis à la TVA et celles opérées par les prestataires de services assujettis à la TVA. La LF 2024 réinstaure également l’obligation de conservation des biens d’investissement inscrits dans un compte d’immobilisation pendant cinq ans, élargit le champ d’application de la TVA aux prestations de services à distance fournies par les non-résidents (commerce numérique), consacre le principe de solidarité des responsables de la gestion financière ou administrative des entreprises en cas d’infraction aux obligations de déclarations et/ou paiement en matière de TVA et, enfin, exige désormais la présentation de garanties suffisantes pour bénéficier de l’exonération de la TVA sur les biens d’investissement.
Harmonisation des règles de l’assiette fiscale
En matière d’harmonisation des régimes fiscaux, c’est plutôt un exercice de clarification qui a été entrepris. Plusieurs dispositions du Code général des impôts (CGI) ont ainsi été amendées et modifiées de manière à élargir l’assiette fiscale. La première clarification apportée par la LF 2024 concerne le régime fiscal applicable aux locations d’immeuble en matière de TVA, en vertu de laquelle ces dernières sont obligatoirement soumises à la TVA, quand les locaux concernés sont acquis ou construits avec bénéfice du droit à déduction ou de l’exonération de cette taxe. La seconde est une révision de la sanction applicable en cas de dépôt hors délai d’une déclaration créditrice : pour harmoniser cette sanction avec celles appliquées aux autres déclarations déposées hors-délai, la sanction de réduction du crédit de TVA de 15% est remplacée par une amende de 15% du montant de la TVA de la période concernée ou du crédit de taxe de cette même période, avec un minimum de 500 dirhams. Autre clarification, celle du délai de forclusion lié à l’exercice du droit de déduction, un droit qui ne s’exerce plus « à la fin du mois » mais désormais « dans le mois » de l’établissement des quittances de douane ou du paiement des factures. Enfin, la LF 2024 introduit une nouvelle disposition d’exonération de la TVA à l’intérieur des redevances et droits de licence dont la valeur est incluse dans la base d’imposition de la TVA à l’importation.
Par ailleurs, l’exonération de la TVA couvre désormais tous les cathéters dans le cadre du traitement de tous les produits et équipements pour l’hémodialyse, indépendamment donc de la marque commerciale de ceux-ci. Elle a également été généralisée aux prestations de services liées aux équipements et matériels militaires acquis par les organes chargés de la défense nationale, de la sécurité et du maintien de l’ordre public. Aussi, l’exonération de la TVA s’applique dès à présent aux coopératives qui fournissent des services liés à des activités agricoles. Enfin, pour mettre fin aux divergences d’interprétation, la LF 2024 revoit la définition de liste d’engins et filets de pêche éligible aux taux de 10% de TVA.
Toutes ces mesures d’exonérations, de simplification et d’harmonisation, introduites dans la Loi de Finances 2024 forment le premier corps de réformes de la TVA. Dans cette première phase, le législateur balise le terrain fiscal pour disposer d’une base de travail saine et claire avant l’entrée en vigueur des phases 2 (2025) et 3 (2026) d’une réforme de la TVA qui s’inscrit dans une réforme plus globale, celle de la fiscalité nationale, dont entreprises, État et même particuliers attendent beaucoup.