Croissance et clients

Remote manager : un modèle de leadership en émergence

Animation de vidéoconférences et webinaires, multitasking, choix des meilleurs outils de créativité et de productivité… Pour imposer son leadership, le remote manager fait appel à des outils et talents nouveaux. Quels sont-ils ? Quelques éléments de réponse.

Le confinement a vu se multiplier les listes et les comparatifs d’outils désormais indispensables à l’organisation du travail à distance. Plateformes de vidéoconférences et de webinaires ; services de synchronisation d’agendas et de planification collaborative ; outils de créativité et de publication collective…

Collaborateurs et managers s’en sont emparés avec des fortunes diverses. Pour certaines entreprises, il ne s’est agi que de pousser un cran plus loin le curseur d’une transformation digitale déjà bien intégrée. Pour d’autres, ce fut un saut dans l’inconnu. Tous peuvent aujourd’hui attester d’une expérience approfondie du travail à distance, et d’une connaissance, de première main, des atouts et limites d’un large éventail d’outils.

Le remote working, bien plus qu’une question d’outils

Sauf que le « remote working » n’est pas une question d’outils. Ce n’est pas un gadget. C’est en réalité, et d’autant plus que les entreprises envisagent de recourir davantage au télétravail, un mode de production. Et en tant que tel, il doit mobiliser managers et directions des ressources humaines, au risque, dans le cas contraire, d’affaiblir l’engagement des équipes et, avec lui, la performance.

En pratique, cela implique d’abord d’intégrer le fait qu’à distance, managers et collaborateurs perdent le contexte de travail. Circuler d’un bureau à l’autre, échanger au hasard d’un couloir ou d’une fontaine à eau, prolonger une conversation initiée à deux avec un autre collègue à proximité… Autant d’opportunités de prendre le pouls de l’activité de chacun, d’identifier difficultés et enthousiasmes, de faire émerger des enjeux latents mal exprimés dans les moments d’expression formels. Mais autant d’opportunités perdues.

Sans contexte, établir la confiance devient plus difficile. Le risque de ne pas voir venir une difficulté et de ne pouvoir aider un collaborateur s’accentue, de même que celui que certains, isolés derrière leur écran, entrent dans une stratégie d’évitement ou de repli.

Du manager qui commande et contrôle au manager qui accompagne

Que faire ? La mauvaise réponse est d’intensifier les instances de contrôle : multiplier les demandes de reporting, imposer un rythme élevé de vidéoconférences, voire déployer des « mouchards » pour mesurer à distance l’activité en ligne des salariés.

Ce type de réponses n’envisagent que le « quoi » et le « quand » du travail à distance, quand c’est le « comment » qui devrait être visé en priorité. À distance, les meilleurs managers sont ceux qui s’intéressent autant aux conditions de travail qu’à l’assiduité et au respect des délais. Comment le collaborateur accède-t-il à l’information qui lui est nécessaire ? De quelle façon peut-il solliciter et obtenir de l’aide quand il en a besoin ? Par quel biais peut-il faire part de ses propositions à l’équipe ?

En clair : le « remote manager » sera d’autant plus pertinent qu’il abandonnera les habitudes du « command and control » au profit de celles du coaching. Cela passe, bien sûr, par l’usage des nombreux outils de collaboration à distance. Cela passe surtout par un état d’esprit particulier, qui demande efforts et conviction.

La plateforme de « Platform as a service » platform.sh fait travailler 185 personnes, dans 45 pays. Un tour de force, qui a incité sa direction à formaliser par écrit toutes les règles de fonctionnement, de la culture de l’entreprise au détail du moindre process. Ce qui n’est pas sans rappeler les 5 000 pages du « Gitlab team handbook« .
« La tendance naturelle est de passer des heures en vidéoconférence. Mais celle-ci doit être réservée à la prise de décision, à la gestion de crise. Les échanges doivent plutôt passer par Slack ou Mattermost¹« , détaille Frédéric Plais, CEO de Platform.sh, dans la « Monday Note » de Frédéric Filloux.

Le full remote n’est pas pour demain

Reste qu’aucun « remote management« , aussi éclairé soit-il, ne semble devoir abolir le travail en « présentiel« . Même Facebook, y compris en se projetant 10 ans dans le futur, ne l’envisage pas. Interviewé par The Verge, Mark Zuckerberg n’imagine pas le télétravail prendre plus de 50%. En France, le Président et fondateur de la plateforme de créatifs Malt, Vincent Huguet, reconnaît l’importance du télétravail pour son organisation, qui rassemble 200 personnes réparties en 5 sites. « Nous avons depuis nos débuts conservé une politique très ouverte de télétravail – il suffit aux employés de prévenir la veille, et certaines équipes ne viennent qu’un ou deux jours par semaine au bureau« .

Malgré cette expérience réussie « je ne crois pas que le télétravail à 100% puisse s’appliquer à la majorité, estime l’entrepreneur dans un récent article. Résoudre des problèmes requérant créativité et travail d’équipe se fait bien plus facilement en personne, dans une salle de réunion, ou autour d’un verre. Nous sommes des animaux sociaux, et même si les outils s’améliorent et que la réalité virtuelle pourrait être fantastique demain, je crois qu’on ne peut pas remplacer des millions d’années de langage corporel et de relations physiques« . Une réalité à garder en tête pour tout remote manager.

Sachant, ultime difficulté, que tous les publics ne sont pas égaux face au télétravail. « Travailler à distance nécessite un certain degré de maturité et de discipline. Ce n’est pas vraiment ce qu’on recommandera en début de carrière« , observe Frédéric Pais. Preuve que les technologies numériques, essentielles à la collaboration à distance, peuvent aussi jouer en faveur des profils les plus expérimentés. Les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le travail réservent décidément bien des surprises.

¹Slack est une plateforme de communication collaborative sur ordinateur et smartphone. Chaque entreprise peut créer un groupe privé sur Slack. Mattermost est également un service de discussion instantanée mais open source en auto-hébergement. Il est conçu comme un chat interne pour les organisations et les entreprises, et il est présenté comme une alternative à Slack.