Intelligence artificielle et RH, ennemies ou amies ?
Les intelligences artificielles vont modifier les pratiques professionnelles en profondeur. Vont-elles pour autant supplanter les RH ? Pas si sûr. Parfois perçue comme une menace, parfois considérée comme une opportunité extraordinaire, l’IA suscite des interrogations et beaucoup de fantasmes, en particulier quand cela touche à la gestion du capital humain.
L’intelligence artificielle a le vent en poupe. Pourtant, cette avancée technologique ne date pas d’hier. En 2001, Steven Spielberg sortait un blockbuster sur le sujet, « AI », qui contribuait à démocratiser l’idée (discutable) selon laquelle les robots pourraient un jour éprouver des sentiments. Transposée dans le monde de l’entreprise, cette perspective est particulièrement effrayante pour les professionnels RH, dont la dimension profondément “humaine” du métier et donc des compétences, semblait être un rempart imparable à la robotisation. Et si les collaborateurs pouvaient un jour être recrutés, gérés et formés par des machines ? En réalité, c’est déjà un peu le cas… et c’est d’ailleurs pourquoi le métier des RH n’a pas vocation à disparaître, mais au contraire à devenir encore plus central et stratégique. Explications.
Intelligence(s) artificielle(s) : de quoi parle-t-on ?
En réalité, les premières formes d’intelligences artificielles appliquées aux RH datent de la seconde moitié du XXe siècle, avec le développement de « systèmes experts », facilitant la prise de décision des entreprises grâce à des algorithmes appliqués à des cas concrets… La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), par exemple, est en partie basée sur ce type d’approche dès lors qu’elle passe par le prisme d’un logiciel. Aujourd’hui, grâce à la puissance de calcul des machines, l’IA réfère aussi à l’exploration, au traitement et à l’analyse de données massives – le fameux big data – à travers le « machine learning ». Il s’agit autrement dit de moteurs capables d’anticiper des scenarii au sein de l’entreprise ou de reproduire des tâches toujours plus complexes grâce une démarche d’apprentissage automatique et d’entraînement.
En matière de RH, de quoi l’IA est-elle capable ?
De nombreuses tâches RH peuvent déjà être automatisées ou optimisées grâce à la combinaison de l’intelligence artificielle, de l’analyse sémantique, de la reconnaissance vocale et faciale ou du « deep learning ». En matière de recrutement par exemple, l’IA peut aider l’entreprise à établir une pré-sélection de CV parmi une grande quantité de candidatures, à identifier les meilleurs entretiens vidéos sur la base de critères prédéfinis ; voire même à classer les candidats en fonction de leur probabilité à réussir à un poste donné.
Autres cas d’usage : automatiser la création ou le classement de certains documents RH dématérialisés. Ou confier la gestion des demandes courantes des collaborateurs à un chatbot (attestations de travail, questions sur les congés, etc.). En matière de formation professionnelle, l’IA peut aussi contribuer à personnaliser les expériences d’apprentissage, en s’adaptant au niveau, aux besoins et au rythme de chaque collaborateur. Plus stratégique : dans les grandes entreprises qui brassent une grande quantité de données relatives à leurs collaborateurs, les machines peuvent alerter sur la probabilité de dangers potentiels, comme le risque de grève, d’accidents du travail ou de départ d’un salarié, par exemple, grâce à des modèles statistiques.
En résumé, l’intelligence artificielle est déjà capable de remplacer l’activité humaine dans deux cas :
- lorsque les tâches sont répétitives, donc « machinales » et sans grande valeur ajoutée (sourcing, administratif)
- quand les tâches sont prédictives et nécessitent donc une très forte puissance et une grande rapidité de calcul, au-delà des capacités du cerveau humain (outils d’aide au recrutement basés sur le big data, adaptive learning, etc.)
Ces compétences RH, que l’IA ne remplacera jamais (du moins pas de sitôt…)
Pour la fonction RH, l’intelligence artificielle est, de facto, un outil très utile pour gagner du temps, optimiser le coût des recrutements ou l’efficacité des formations et sécuriser ses décisions. Cette promesse, toutefois, ne vaut que dans des environnements stables. Car l’IA sait parfaitement reproduire, apprendre du passé pour prévoir statistiquement l’avenir… mais certainement pas réagir aux situations imprévisibles. Or, les RH gèrent de l’humain, et sont donc forcément en proie à l’imprévu.
Ainsi, l’IA ne remplacera jamais la capacité de jugement d’un recruteur, son intuition, son esprit critique, son empathie ou sa force de persuasion : ces compétences sont pourtant au cœur du métier des RH, où les relations interpersonnelles priment. La réussite d’un entretien d’embauche, d’une évaluation annuelle ou d’une session de formation tient en grande partie à la qualité de la communication qui s’opère entre les parties prenantes.
Quelques chiffres
– Face au développement des IA, 71 % des Français estiment qu’un être humain est irremplaçable pour recruter des salariés compétents, selon une étude Indeed de mars 2019
– À partir de 2020, le nombre d’emplois créés par l’IA sera supérieur au nombre d’emplois détruits, selon une étude Gartner de février 2018
L’IA au service des RH pour se recentrer sur l’essentiel : la relation
En somme, les robots n’ont pas de soft skills… et n’en auront a priori jamais. Dans un monde de plus en plus robotisé, l’entreprise de demain aura plus que jamais besoin de collaborateurs créatifs, agiles, capables de collaborer pour trouver des solutions innovantes aux nouveaux problèmes qui émergent. Et donc identifier des profils potentiellement atypiques sur lesquels les robots recruteurs n’auront pas l’audace de parier.
Seule une fonction RH « humaine » peut avoir une vision stratégique et empathique, nécessaire pour piloter le recrutement, la formation et le développement des compétences des collaborateurs du XXIe siècle… même si elle est assistée, voire « augmentée » par des machines ultra-sophistiquées pour le faire.