CDO et DSI, des collaborateurs qui s’ignorent
Transformation digitale. La formule, recouvrant toute une palette de projets impliquant les outils numériques, est un peu fourre-tout. Mais elle en appelle une autre : CDO, Chief Digital Officer (à ne pas confondre avec l’autre CDO, en vogue depuis plus récemment, le Chief Data Officer). En 2016, le baromètre des Chief Digital Officers réalisé par Digital Jobs et Novamétrie évaluait à 27% la part des entreprises ayant créé une telle fonction, dont 49% dans les grandes entreprises à plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaire et 38% dans des ETI. Mais pour y faire quoi de plus ou de différent qu’un DSI ?
Une fonction en mutation
En fait, là où le rôle d’un DSI reste peu ou prou inchangé, du moins clairement identifié, à savoir être le gardien du système d’information de l’organisation, de son architecture, de son intégrité et de son évolution, le CDO a, dans un premier temps, eu pour rôle de faire passer un « message » assez général. Celui de la révolution numérique en marche et de ses enjeux dont il allait falloir se saisir (de ce fait, il s’agissait d’une fonction sans budget). On n’en est plus là. Dans une étude de 2015, Accenture distinguait quatre profils plus précis de CDO, associés parfois à des objectifs chiffrés et mesurables :
- Le « digital strategist » qui oriente en amont les décisions du comité exécutif en matière de stratégie numérique.
- Le « digital marketing leader » dont le rôle est la quête de nouveaux clients et de nouvelles sources de revenus par les outils du numérique (web, réseaux sociaux).
- Le « digitalisation leader », qui améliore toute la chaîne de production, les process internes et l’organisation du travail en y injectant de l’innovation numérique.
- Le « transformation leader » qui s’intéresse aux métiers et aux fonctions supports pour y insuffler plus d’efficacité par le numérique (communication, dématérialisation)
Chef d’orchestre d’un côté, maître du SI de l’autre
Dans ces conditions, un DSI peut voir d’un mauvais œil quelqu’un venir parler d’outils numériques ou de stratégie online, c’est-à-dire d’informatique et de réseaux, avec tout ce que cela implique de pratiques nouvelles et d’impacts sur le système d’information, notamment en matière de sécurité. La tentation peut donc être grande de vouloir s’imposer dans un projet qui s’apparente à une mutation technologique avec la nécessité d’encadrer les utilisateurs. Pour les mêmes raisons, faire appel à la DSI pour mener un projet de transformation digitale peut tenter des dirigeants appréhendant ce type d’évolution de leur entreprise.
Or, le rôle du CDO est pour bonne part un art de la communication et du marketing interne. Cette fonction transversale est là pour expliquer, échanger voire rassurer personnels, métiers et services support susceptibles d’être impactés par sa vision stratégique, démontrer l’intérêt d’un projet, exposer les enjeux, plus qu’implémenter et définir précisément les choix technologiques.
C’est là que la véritable relation CDO-DSI prend son sens : celle d’un partenariat, d’une collaboration dans un projet d’entreprise.
CDO, fonction transitoire ?
Le distinguo entre les deux fonctions ne s’arrête pas là. Pour certains observateurs, le CDO, par définition, n’est pas une fonction destinée à perdurer – contrairement à la DSI. Sa disparition, à plus ou moins long terme, serait même la preuve d’une transformation digitale réussie. Rien n’empêche un DSI d’endosser, le temps nécessaire, le rôle de CDO, comme c’est le cas chez Engie, encore que la démarche fasse débat. Autre approche : opérer une réelle transformation de la DSI elle-même comme l’a fait PSA en rebaptisant cette direction Digital Data and Connectivity Engineering, avec la donnée au centre du projet d’entreprise. Mais une chose est sûre : il est inutile, pour un DSI, de vouloir à tout prix se muer en CDO uniquement pour se « protéger ».
D’ailleurs, il n’est pas sûr qu’il faille forcément désigner explicitement un CDO. Selon le type de projet mené, la culture d’entreprise, ce rôle peut faire partie des attributions du Chief Marketing Officer, du Chief Technology Officier, du Chief Customer Officer, du DRH… Voire être une combinaison de tous ces dirigeants collaborant ensemble… avec le DSI. Les exemples abondent de transformations numériques menées sans CDO.
Chez Darty, l’intégration d’une stratégie online à l’intérieur des magasins physiques a été l’oeuvre d’une équipe de marketing digital. Orange n’a jamais nommé de CDO mais en a confié les attributions au DRH, au directeur de l’expérience client et au directeur commercial. Bouygues s’appuie sur une structure à part appelée e-Lab, dirigée par le directeur de l’innovation, pour faire passer au numérique ses différentes entités. La Fnac a fait le pari de charger officiellement son DSI de la transformation digitale mais le projet est concrètement porté par chacun des membres du comité exécutif. Quant à celle qui aurait dû être CDO du groupe d’assurances Inter Mutuelles Assistance, elle a refusé le titre préférant celui de directrice en charge de la transformation, entérinant l’idée que le digital n’est qu’un volet de la transformation d’une organisation, et le CDO un poste sans pérennité.
D’autres nuancent le titre. PSA a un responsable programme digital et CRM, Unilever et Guy Degrenne ont des CDO et directeur/directrice e-commerce. L’ ex-CDO de la SNCF est devenue en février 2017 directrice en charge du digital, de la relation client, du marketing et de la communication d’AG2R La Mondiale. Comprenez : le digital, en soi, ne signifie pas grand-chose, il faut savoir à quoi on l’applique. Afflelou a certes un CDO rattaché au Comex, il a surtout monté un comité digital comprenant les responsables informatique, marketing, réseaux et communication. Tant il est vrai que seul, un CDO ne mènera pas grand-chose à bien.
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