Technologie à la fois transparente, sécurisée et fonctionnant sans organe de contrôle, la blockchain a le potentiel de révolutionner les transactions en éliminant le besoin de recourir à des intermédiaires de confiance comme les banques ou les États.
À l’origine d’Internet, on trouve une technologie : le protocole TCP/IP. C’est lui qui a permis de simplifier et de faciliter drastiquement l’échange d’informations, donnant ainsi le coup d’envoi d’une révolution digitale qui continue encore aujourd’hui de transformer le monde en profondeur. La blockchain pourrait avoir tout autant – sinon plus – d’impact. Pour Don Tapscott, auteur de Blockchain Revolution, la blockchain sonne même la seconde ère d’Internet. « Cela fait 40 ans que nous avons l’Internet de l’information. Maintenant, avec les blockchains, nous avons l’Internet de la valeur », a-t-il déclaré¹. Les blockchains permettent en effet d’échanger directement, de manière sécurisée et sans intermédiaires, de la « valeur » : argent, actions, titres de propriété, votes, données sensibles…
Les origines de la blockchain
Lorsqu’un fichier est envoyé par mail – par exemple un document Word – le récipiendaire ne reçoit en réalité qu’une copie du fichier, l’original reste dans l’ordinateur de l’expéditeur. Dans le cas d’un envoi d’argent par exemple, une telle situation est inacceptable, et c’est pourquoi on a recours aux banques, pour certifier que le transfert des fonds a bien été effectué.
En 2007, la crise des subprimes ébranle la finance mondiale et érode la confiance dans les institutions en bancaires. Sans doute en réponse à cette crise, une personne ou un collectif -le mystère reste entier- connu sous le nom de Satoshi Nakamoto travaille à la création d’une cryptomonnaie qui ne s’appuierait pas sur des intermédiaires bancaires : le bitcoin. Pour s’assurer que les transactions en bitcoin soient à la fois sécurisées et transparentes, Nakamoto imagine dès 2008 un registre décentralisé, c’est-à-dire partagé en réseau sur de nombreux ordinateurs, qui garderait la trace de toutes les transactions effectuées. Les transactions sont enregistrées dans ce registre sous forme de blocs et toutes reliées entre elles comme les maillons d’une chaîne. La première blockchain est née !
La blockchain : une technologie sécurisée et transparente
Une fois inscrites, les informations contenues dans une blockchain ne peuvent être transformées. La blockchain est donc une technologie d’enregistrement d’ordres et de transactions extrêmement sécurisée. Et si une information erronée venait à être enregistrée, il suffirait de consulter l’historique – entièrement auditable – pour retracer l’origine de l’erreur et ajouter un nouveau bloc pour la corriger.
Par ailleurs, comme la base de données numérique infalsifiable de la blockchain est partagée à travers un réseau d’ordinateurs où chaque utilisateur possède une copie identique et vérifiable à tout moment, la blockchain est transparente. Plus besoin de passer par un organe de confiance externe pour valider les transactions : tout repose sur le réseau pair-à-pair de la blockchain elle-même.
La blockchain : une technologie déclinable à l’infini
Les avantages de la blockchain ouvrent d’immenses perspectives, qui vont bien au-delà du seul domaine des cryptomonnaies. Nous commençons seulement à gratter la surface des applications potentielles de la blockchain. Tous les secteurs – de l’industrie à la santé en passant par la banque et l’assurance, l’agriculture, la musique ou encore le tourisme – sont lancés dans une course effrénée à la blockchain, pour inventer de nouveaux services ou améliorer leurs process existants.
Le couplage de la blockchain avec des « smart contracts » – des programmes autonomes qui exécutent automatiquement les termes d’un contrat sans nécessiter d’intervention humaine – est particulièrement porteur d’opportunités. Les assureurs se sont déjà engouffrés dans cette voie :
Axa a par exemple lancé en septembre 2017 Fizzy, une assurance retard d’avion automatisée². Fizzy est un smart contract dont tous les paramètres (itinéraire, prix de la police, montant du remboursement éventuel…) sont enregistrés sur la blockchain Ethereum. Connecté aux bases de données du trafic aérien mondial, Fizzy déclenche automatiquement l’indemnisation dès que l’avion a plus de deux heures de retard. Le client n’a aucune démarche à faire pour obtenir son remboursement.
La technologie blockchain séduit également les marques de luxe, notamment pour lutter contre la contrefaçon. Un problème majeur, puisque l’on estime le coût de la contrefaçon (tous secteurs confondus) à 60 milliards d’euros, rien qu’en Europe³. En mai 2019, LVMH a ainsi annoncé avoir noué une alliance avec Microsoft et la société ConsenSys pour lancer une plateforme basée sur la blockchain Ethereum. Baptisée AURA, celle-ci vise à assurer à l’industrie du luxe la traçabilité et l’authenticité de leurs produits pendant tout leur cycle de vie. Déjà utilisée par Louis Vuitton et Parfums Christian Dior, AURA a déjà entamé des discussions pour intégrer d’autres marques de LVMH ainsi que d’autres groupes de luxe4.
Il n’y a pas que l’entreprise qui soit séduite par la blockchain, les États affichent également un intérêt pour cette technologie, qui peut notamment servir à héberger un cadastre numérique. Les titres de propriété sont alors inscrits dans la blockchain afin d’avoir un appui pour résoudre les conflits fonciers. Des expérimentations sont menées en ce sens dans plusieurs pays où les titres de propriété n’apparaissent dans aucune base de données officielle (à titre d’exemple, près de 90 % des terres rurales ghanéennes ne sont pas inscrites au cadastre) et où l’escroquerie à la propriété foncière est monnaie courante : au Honduras depuis 2015, au Ghana depuis 2016, en Ukraine depuis 20175…
Si les possibilités offertes par la blockchain sont énormes, la technologie est encore jeune. Tout, ou presque, reste à inventer.
Sources :
1i-cio.com
2group.axa.com
3lemonde.fr
4content.consensys.net
5lopinion.fr