Gestion Financière

Open Banking & paiements instantanés : vers un big bang dans les solutions de paiement

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La dynamisation des services de paiement et autour des paiements fait partie des priorités affichées par l’Union européenne pour développer la compétitivité économique du continent. Des décisions stratégiques dans ce domaine, comme l’instauration de l’Open Banking et l’extension du paiement instantané à l’échelle de la zone SEPA, ouvrent la voie à des innovations majeures dans le domaine des solutions de paiement à destination des entreprises. En effet, le développement de nouveaux usages financiers et l’accélération des transactions induisent une nouvelle génération de solutions de paiement à usage des trésoriers d’entreprise, qui ajoutent une couche de services innovants aux échanges de masse entre les entreprises et les banques.

Pour les trésoriers et les directeurs financiers des entreprises, bien comprendre la philosophie et les conséquences pratiques de l’évolution des règles est nécessaire pour tirer le meilleur profit des changements qui s’annoncent.

Quatre éléments sont plus particulièrement à prendre en compte :

  • L’apparition de nouveaux services de paiement grâce à l’Open Banking
  • L’avènement du temps réel en trésorerie grâce aux paiements instantanés
  • L’irruption de nouveaux acteurs et l’émergence de nouveaux modèles économiques
  • L’engagement des éditeurs en avance de phase pour traduire les promesses en solutions concrètes

Open Banking : un espace s’ouvre pour de nouvelles solutions de paiement

La directive DSP21 remplace la première directive sur le sujet, adoptée en 2007. Elle a été transposée en droit français durant l’été 2019. Son objectif est de « moderniser » les services de paiement en Europe, au profit des consommateurs comme des entreprises, « de manière à rester en phase avec ce marché en évolution rapide » (Commission européenne).

Les quatre principaux volets de la DSP2 sont :

  • L’interdiction faite aux établissements financiers de facturer aux utilisateurs l’utilisation de leur carte de crédit ou de débit, en magasin et en ligne.
  • Le renforcement des droits des consommateurs en cas d’utilisation frauduleuse de leur carte bancaire : abaissement de la franchise restant à la charge du client, raccourcissement des délais de remboursement et remboursement inconditionnel pour les prélèvements en euros.
  • L’obligation de l’authentification forte (c’est-à-dire à deux facteurs d’authentification) pour les paiements en ligne de plus de 30 euros.
  • L’Open Banking, c’est-à-dire l’ouverture du marché des services de paiement à de nouveaux acteurs, en contraignant les banques à ouvrir leur système d’information.

Pour dire les choses simplement, à travers l’Open Banking, la DSP2 impose aux banques d’ouvrir leur système d’information à des tiers habilités. C’est-à-dire que les banques sont obligées de mettre à la disposition de ces nouveaux venus une interface (ou API2) permettant un échange automatisé de données entre le SI de l’établissement et l’application proposée par l’acteur tiers, fintech3 ou autre banque.

Une décision radicale qui ouvre la possibilité aux entreprises de bénéficier de services de paiement nouveaux, principalement relatifs à l’initiation de paiements4 et à l’agrégation de comptes bancaires5.

Paiements instantanés : le défi du temps réel pour les solutions de paiement

Un virement SEPA interbancaire assure en général la transmission des fonds avec un délai d’un jour ouvrable. Comme son nom l’indique, le paiement instantané est un virement effectué en temps réel.

Le paiement instantané interbancaire est déjà pratiqué dans certains pays et pour certaines transactions. Le Royaume-Uni y a recours depuis 2008, la Suède, le Danemark et la Pologne depuis 2012. Et côté mobile, des applications comme Lydia, Pumpkin ou Paypal sont utilisées par de très nombreux particuliers pour transférer des fonds.

Projet porté par la Banque Centrale Européenne, la nouveauté du paiement instantané est double :

  • Instauration du paiement instantané en euros pour les paiements interbancaires nationaux et internationaux dans chacun des 34 pays de la zone SEPA6 et entre eux tous.
  • Possibilité offerte aux utilisateurs particuliers comme professionnels de recourir à n’importe quel terminal connecté pour procéder à une opération de transfert de fonds.

Sur le site Internet de sa banque mais aussi depuis son application mobile bancaire, l’expéditeur indique l’IBAN du bénéficiaire ou son numéro de téléphone mobile pour pouvoir envoyer les fonds. Le compte du destinataire est crédité en moins de 10 secondes et la confirmation du paiement est envoyée par SMS à l’expéditeur en moins de 20 secondes. Des contrôles en temps réel sont pratiqués pour prévenir toute tentative de fraude (authentification par biométrie ou par code spécifique).

La BCE opère les échanges internationaux grâce à son infrastructure de règlement en temps réel TIPS7, utilisée jusqu’alors par les banques centrales et commerciales pour les paiements de montants élevés. Pour les paiements instantanés en France, ce rôle est confié à la plateforme de compensation interbancaire STET-CORE8, créée par six banques françaises en 2004 pour répondre aux exigences du SEPA.

Solutions de paiement : une nécessaire prise en compte du renouvellement des acteurs

Frédéric Lallemand est Chef de produits chez Crédit Agricole Payment Services. Présent comme la plupart des acteurs de la transformation du paysage bancaire français au Premier Forum de l’Innovation ENTREPRISE & BANQUE Sage du 11 juillet 2019, il explique ainsi le défi à relever pour les banques traditionnelles. « Le modèle est en train de changer. Alors que la banque était assez omniprésente, structurante voire contraignante dans la relation avec ses clients, depuis de longues années, elle va devoir faire preuve d’agilité, de souplesse, d’intelligence. Se mettre à la portée de son client… Et puis savoir collaborer avec d’autres acteurs sur le marché qui lui apportent de l’agilité et de l’innovation. C’est un changement de paradigme : la banque va devoir vraiment entrer dans le jeu du commerce, de la proposition, du marketing. C’est un changement de rythme aussi… »

L’effort de transformation nécessaire s’accompagne de deux conséquences pratiques défavorables pour les établissements financiers :

  • Les banques ont désormais l’obligation de donner accès aux données personnelles de leurs clients à des tiers, sachant que les données représentent une valeur montante dans un marché de plus en plus digitalisé.
  • Développer les API et sécuriser les échanges de données réclame des ressources. Les banques supportent des obligations et des coûts supplémentaires pour permettre à leurs nouveaux concurrents directs d’exercer leurs activités.

Pour Yves Le Querrec, Directeur des Relations Interbancaires à la Banque Postale et présent lui aussi au Forum, nul doute que la partie engagée n’est en rien perdue pour les établissements bancaires traditionnels. « L’Open Banking faisait au départ très peur aux banques. Finalement, les banques se sont appropriées la DSP2. Elles jouent dans la même cour que les fintechs pour proposer des solutions performantes aux entreprises. »

L’Open Banking présente d’ailleurs également trois avantages pour les acteurs financiers traditionnels :

  • L’ouverture des SI des banques via les API nécessite une sécurité renforcée. Cette nécessité, traduite dans les technologies, dans les procédures et dans les comportements, produit une élévation vers le haut des standards de sûreté.
  • L’Open Banking entraîne d’une certaine façon une externalisation de la R&D des banques. Cette externalisation est porteuse d’une dynamisation de la créativité. Sachant que les acteurs traditionnels n’hésitent pas à créer en leur sein ou à racheter les jeunes pousses attachées à développer de nouveaux services de paiement.
  • Indépendamment de l’externalisation d’une partie de la R&D, ou peut-être grâce à elle, l’ouverture du SI des banques accélère leur innovation. On estime qu’un système d’information ouvert permet de diviser par 10 le temps de réactivité face à une demande émanant d’un client.

Solutions de paiement : les éditeurs les plus engagés en avance de phase

La DSP2 et l’Open Banking ouvrent la voie à une nouvelle génération d’architecture financière. À la façon d’un jeu de construction, d’un Meccano® à l’échelle de l’Europe, les services financiers pourront s’assembler en briques pour constituer des plateformes ergonomiques et personnalisées. Nul besoin qu’un même acteur soit derrière chacune des briques « service financier ». Il suffira qu’une interface intuitive et connectée agrège et fasse fonctionner l’ensemble de ces services de manière fluide. Dans cette perspective, particuliers et entreprises pourraient constituer leur propre portefeuille de services : épargne, assurance, moyens de paiement, gestion de trésorerie…

L’Open Banking, en redonnant aux entreprises comme aux particuliers la propriété de leurs données, est bien le vecteur d’un modèle économique renouvelé, qui reste au demeurant pour l’essentiel encore à inventer. Ronan Le Moal est le Directeur Général du Crédit Mutuel Arkéa, dont la filiale Fortuneo explore de nouvelles voies financières depuis 2000. Il explique ainsi les nouvelles règles, du point de vue des banques en tout cas. « Le modèle économique qui émerge aujourd’hui est un modèle dans lequel la banque vend ses propres produits, s’ouvre pour vendre les produits des autres, banques ou fintechs, et dans lequel la banque peut aussi fournir des services à d’autres acteurs. »

Les éditeurs de solutions de paiement font bien sûr partie des acteurs qui regardent avec attention cette restructuration qui s’amorce. Maîtrisant la facilitation des échanges de masse entre les entreprises et les banques, ils s’apprêtent à ajouter à leurs propositions de valeur la couche de services innovants issus de la transformation en cours. Le temps réel, les enjeux de sécurité, les possibilités nouvelles en matière d’agrégation de comptes inspirent les éditeurs les plus engagés. Cécile Bayle est en charge de la transformation Cloud chez Sage et membre du comité innovation du Syntec Numérique9. « Nous vivons une époque où nous sommes tous obligés de nous réinventer. Et quelque part, quand on est fournisseur de solutions comme Sage, on est un peu la fondation du changement des autres. »

L’Open Banking est une réalité aussi dans la collaboration entre les acteurs. Toujours au premier Forum de l’Innovation ENTREPRISE & BANQUE Sage, Yves Le Querrec explicite ainsi le rôle des éditeurs de solutions de paiement. « Les éditeurs sont le point central de la relation entre les banques. Mais également entre les clients des banques et les banques. Ils sont incontournables et ils doivent anticiper toutes ces mutations. Et c’est ce qu’on a aujourd’hui puisque Sage est présent dans nos groupes de travail. L’éditeur écoute le besoin des banques. Il écoute l’évolution technologique. Il écoute aussi les évolutions réglementaires. »

En conclusion, la révolution est en marche et les entreprises doivent s’attendre à une offre renouvelée en matière de solutions de paiement. Si de nombreuses initiatives avaient commencé à éclore ces dernières années, la DSP2 et l’Open Banking donnent un formidable élan au mouvement vers le temps réel de la trésorerie d’entreprise.
Les défis de sécurité, de traçabilité et de pilotage sont immenses. Mais la perspective d’une nouvelle productivité des ressources financières justifie l’emballement autour de l’Open Banking. Rendez-vous en 2020 pour sa mise en application concrète !

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1DSP2 : Directive européenne révisée sur les services de paiement
2API (Application Programming Interface ou Interface de programmation applicative) : passerelle informatique ouverte spécifiquement dans un logiciel afin de permettre un échange automatisé et sécurisé de données avec un autre logiciel.
3Fintechs : jeunes pousses innovantes dans le domaine des services financiers
4Initiation de paiements : service permettant de procéder à des règlements à partir d’une plateforme unique connectée à l’ensemble des comptes bancaires de l’émetteur du paiement
5Agrégation de comptes bancaires : service permettant de visualiser le solde et les opérations de l’ensemble de ses comptes sur une plateforme unique, connectée à l’ensemble des comptes bancaires du bénéficiaire du service.
6Les 34 pays de la zone SEPA (Espace Unique de Paiements en Euros) : les 28 pays composant l’Union européenne + Islande, Liechtenstein, Monaco, Norvège, Saint-Marin et Suisse.
7TARGET Instant Payment Settlement
8STET (Systèmes Technologiques d’Échanges et de Traitement) – CORE (COmpensation REtail) émane du Crédit Mutuel, de BNP Paribas, de la Caisse d’Épargne, de la Banque Populaire, du Crédit Agricole et de la Société Générale.
9Syntec Numérique : organisation professionnelle des entreprises de services du numérique, des éditeurs de logiciels et des sociétés de conseil en technologies.