Légal & Réglementation

Le plafonnement des indemnités prud’homales

C’est une constante dans la vie législative française : certains projets de lois sont suspendus, pour différentes raisons, avant d’être finalement adoptés plusieurs mois, voire années, plus tard ! Certaines sont à l’avantage de l’entreprise, d’autres moins … Dans ce cas, en attendant que l’échéance arrive, l’entreprise a tout intérêt à mettre ce temps de latence à profit pour anticiper ce à quoi elle peut s’attendre. Illustration avec le plafonnement des indemnités prud’homales prévu par l’ordonnance du 22 septembre 2017 publiée au JO du 23.

Que contient l’ordonnance sur ce thème ?

Nous parlons ici des dommages et intérêts accordés au salarié par le conseil des Prud’hommes en cas de licenciement abusif, et non des indemnités légales ou conventionnelles versées à l’occasion du licenciement hors faute grave ou faute lourde.

L’ordonnance qui vient d’être publiée (une loi a habilité le gouvernement à prendre un tel acte réglementaire) prévoit qu’en cas de licenciement abusif, le juge pourra octroyer au salarié une indemnité dont le montant est nécessairement compris entre un minimum et un maximum.

Le minimum est de un mois de salaire après un an d’ancienneté puis de trois mois de salaire après deux ans d’ancienneté et au-delà. Une progressivité moindre s’applique aux entreprises de moins de onze salariés où le minimum s’établit entre un demi mois de salaire pour un an d’ancienneté jusqu’à deux mois et demi pour dix ans d’ancienneté.

S’agissant du maximum, s’appliquant à toutes les entreprises, il est de un mois de salaire pour moins d’un an d’ancienneté, deux mois après un an et trois mois et demi après deux ans. Au-delà, le maximum augmente progressivement de mois en mois ou de demi-mois en demi-mois, toujours en fonction de l’ancienneté, mais sans pouvoir être supérieur à 20 mois de salaire pour une ancienneté de 29 ans et plus.

Ainsi, un salarié justifiant de dix ans d’ancienneté pourra bénéficier, en cas de licenciement abusif, d’une indemnité comprise entre trois et dix mois de salaire, tandis que celui qui justifie de dix-sept ans d’ancienneté pourra se voir octroyer une indemnité comprise entre trois et quatorze mois de salaire.

Ce barème ne s’appliquera pas dans les cas de harcèlement moral, harcèlement sexuel, licenciement discriminatoire ou à la suite de dénonciation d’un délit ou d’un crime ou encore suite à la violation d’une liberté fondamentale, pour lesquels l’indemnité ne pourra être inférieure à six mois de salaire.

Pourquoi ce barème a-t-il été repoussé ?

C’est en réalité la troisième fois que le principe du plafonnement des indemnités prud’homales est présenté dans le cadre d’un projet gouvernemental. La première fois c’était en 2015 avec la « loi Macron« . À l’époque, le barème avait été invalidé par le Conseil Constitutionnel car il faisait varier le montant de l’indemnité selon la taille des entreprises, ce qui créait une inégalité en faveur des salariés de grands groupes. La seconde fois, c’était en 2016 dans la loi « El Khomri« . Mais cette disposition prévue dans la première version du texte avait finalement disparu dans le cadre des discussions avec les organisations syndicales qui y étaient hostiles, notamment la CFDT.

Quelles conséquences pour l’entreprise ?

Comme l’indique le texte de l’ordonnance qui le prévoit (« Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ») le barème va permettre de mieux évaluer le coût d’un licenciement que les juges prud’homaux pourraient considérer comme abusif voire, en amont, encourager la conciliation avec un salarié qui a fait l’objet d’un licenciement dans la mesure où le risque financier pour l’employeur pourra être évalué dans une fourchette : la négociation s’inscrira donc dans le barème en fonction de l’ancienneté.

Pour rappel, jusqu’à présent, en cas de licenciement abusif, il existait seulement un barème indicatif et non obligatoire auquel pouvaient se référer les tribunaux. La seule contrainte prévue par le Code du travail était d’accorder au minimum six mois de dommages et intérêts aux salariés justifiant d’au moins deux années d’ancienneté et travaillant dans une entreprise de plus de dix salariés.

Précision importante : le barème n’a vocation à s’appliquer qu’aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de l’ordonnance, soit après le 23 septembre 2017.